La vie de Platon est assez mal connue ; comme pour beaucoup d'autres philosophes de l'Antiquité, il est souvent difficile de faire la distinction entre ce qui relève de l'histoire, de la légende ou simplement du ragot.
Il naquit sous l'archontat d'Aminias, un 21 mai, à Athènes dans le dème de Collytos en 428/427 et y mourut vers 348 lors d'un repas de noces. Il appartenait à une famille aristocratique : son père, Ariston, prétendait descendre du dernier roi d'Athènes (Codros), et sa mère, Périctioné, descendait d'un certain Dropidès, proche de Solon. Elle était également la cousine de Critias, l'un des Trente Tyrans.
Favorinus, dans son Histoire universelle[2], fait naître Platon dans la maison de Phidiadès, fils de Thaïes, à Égine où son père avait reçu un lot de terre, quand les Athéniens s’étaient décidés à expulser les habitants de l'île, et à y envoyer une colonie. La chronologie ne rend pas impossible cette tradition ; seulement elle oblige d'admettre que Platon est né dans l'année même où eut lieu cette colonisation. Cependant l'historien ajoute que son père Ariston ne revint à Athènes que lorsque les Lacédémoniens vainqueurs rétablirent les Éginètes dans la possession de leur île et en eurent chassé les envahisseurs, c'est-à-dire à une époque où Platon avait vingt-six ans, et, comme ce détail ne s'accorde nullement avec ce que nous savons de l'éducation de notre philosophe, dont les maîtres habitaient Athènes, on préfère généralement rejeter tout le récit de Favorinus, et suivre celui d'Apollodore[2], qui place le lieu de la naissance à Athènes, ou du moins dans le dème de Collyte, situé à un quart d'heure de marche de la ville[3]. La date est moins certaine encore : on la fixe habituellement à la troisième année de la 87e olympiade, au 7 du mois thargélion, qui correspondrait au 21 mai de l'an 429 avant notre ère.
Le jour précis, que sembleraient fixer avec certitude les fêtes par lesquelles ses disciples en célébrèrent longtemps l'anniversaire[4], présente cependant des particularités qui éveillent des soupçons. Socrate était né le 6 du même mois thargélion, et les anciens eux-mêmes avaient été frappés de ce rapprochement. « Le poète Ion, » dit Plutarque[5] « a eu raison de dire que, malgré la différence qui se trouve entre la sagesse et la fortune, leurs effets sont très-souvent semblables. Du moins elles semblent avoir disposé fort à propos la naissance de Socrate et celle de Platon, en faisant d'abord qu'elles se suivissent de fort près ; ensuite, que celle du plus âgé, et qui devait être le maître de l'autre, précédât immédiatement dans l'ordre des jours celle du second. » Malgré le doute que fait naître involontairement le rapprochement trop significatif de ces deux jours de la naissance de Platon et de celle de Socrate, il n'y a peut-être là rien que de fortuit. Mais il y a autre chose encore : tandis que Socrate était né le jour où Athènes célébrait par un sacrifice solennel la naissance de Déméter Chloé, jour propice entre tous, et où l'on purifiait la ville[6], son disciple venait au monde le jour où Athènes et les colonies ioniennes fêtaient à Délos la naissance d'Apollon, le dieu des arts, de la poésie, de l'éloquence, le dieu de l'harmonie, de la grâce et de la beauté. On connaît la prédilection des néo-platoniciens pour ces mythes symboliques destinés à exprimer sous une forme populaire et poétique certaines idées ou certains rapports. À cet amour naturel chez eux de l'allégorie et du symbole, se joignait le désir d'opposer aux légendes du christianisme naissant des traditions non moins merveilleuses, et de lui enlever le privilège de s'emparer des imaginations et des âmes par l'attrait prestigieux du surnaturel, toujours puissant, et à cette époque tout-puissant sur les esprits. De là toutes sortes de mythes, et particulièrement ceux dont Platon fut l'objet, et qui le rattachent tous à Apollon.
Ce jour de naissance, coïncidant avec l'anniversaire de la naissance d'Apollon, semble donc choisi, comme les autres mythes qui le concernent, pour exprimer l'impression que faisait son génie et l'idée qu'on en concevait : il est trop significatif, trop expressif pour ne pas être suspect (Z). Un si beau génie ne pouvait être le fils d'un homme :
Il fut donc le fils d'Apollon, qui avait ordonné au mari de sa mère de ne pas s'approcher de sa femme pendant les dix premiers mois de son mariage[7] : ce qui ne veut pas tout à fait dire, comme l'interprète saint Jérôme, que les traditions grecques faisaient du prince de la philosophie le fils d'une vierge[8]. Nous voyons ces mythes se reproduire à toutes les époques de sa vie. À peine a-t-il vu le jour, que ses parents vont faire un sacrifice sur le mont Hymette et consacrer leur fils à Pan, aux Muses et à Apollon. C'est là, pendant le sacrifice, que des abeilles viennent déposer leur miel sur la bouche de l'enfant endormi, afin que se vérifiât en sa personne ce vers d'Homère[9] :
[texte grec].
Le jour où son père le présente à Socrate, il se trouve que celui-ci venait de raconter à ses amis un songe qu'il avait eu la nuit précédente. Il lui avait semblé voir s'envoler de l'autel consacré à l'Amour, dans l'Académie, un petit cygne qui se réfugia dans son sein, et s'élança ensuite vers les cieux, charmant les dieux et les hommes d'une suave mélodie[10]. Platon lui-même, quelques moments avant de mourir, se voit, en songe, transformé en cygne, - c'est l'oiseau d'Apollon - et, pour échapper aux mains des oiseleurs, volant d'arbre en arbre[11]. Enfin, on remarque qu'il a atteint dans sa vie le nombre sacré et parfait 81, ce qui annonçait, dit Sénèque, une nature plus qu'humaine.
De là, en l'honneur de ses mânes, un sacrifice offert par des mages qui se trouvaient par hasard à Athènes[12]. En effet, ce nombre de 81 est le carré de 9, et 9 est le nombre des Muses, filles et compagnes d'Apollon. Tous ces mythes semblent donc marquer l'impression que fit son génie sur les anciens et expriment l'idée qu'ils s'en formaient. Comme Homère, dont ils aiment à le rapprocher, Platon est pour eux le type vivant et humain de la beauté morale, de la mesure et de l'harmonie dont Apollon est le type divin[13].
Sa généalogie réelle[14] lui donnait une origine non moins glorieuse que celle que lui attribuait cette mythologie symbolique : il appartenait aux plus grandes et plus illustres familles d'Athènes[15], et par son père comme par sa mère était de race royale et même divine. Ariston, son père, faisait remonter l'origine de sa famille jusqu'à Codros, fils de Mélanthos, lequel descendait lui-même de Nélée et de Neptune[16].
Suivant l'usage des grandes familles de son pays, Platon prit le nom de son grand-père Aristoclès, qu'il changea plus tard, pour prendre celui sous lequel il est universellement connu, et qui lui fut donné, soit à cause de la largeur de sa poitrine[17]; soit à cause de la beauté de son large front, soit enfin à cause du caractère large et étendu de son esprit[18]. Le vrai nom de Platon serait donc Aristoclès, nom de son grand-père, Platon étant supposé être un surnom signifiant largeur, peut-être en référence à sa taille : c'est son maître de gymnastique qui le lui aurait donné. Une autre explication est qu'il parlait abondamment (mais il avait une voix grêle), ou encore qu'il avait le front large.
La famille de sa mère, Périctione[19], a joué un grand rôle dans l'histoire intérieure d'Athènes et dans ses révolutions et agitations politiques. Elle se rattachait par Glaucon et Critias à Dropide, frère ou cousin de Solon, qui descendait également de Codrus. Critias, fils de Callæschros, son grand-oncle, Charmide, son oncle maternel, avaient pris parti pour le gouvernement oligarchique, et après s'y être fait, le premier surtout, une triste célébrité, étaient morts le même jour dans le combat que Thrasybule livra aux Tyrans[20], et dont le succès délivra Athènes de leur violente et sanglante domination. Platon avait donc les relations les plus intimes avec le parti aristocratique, et semble n'avoir pas été insensible à l'illustration de sa famille, qu'il mentionne dans le Charmide[21] et le Timée[22]. C'est par cette parenté, et par suite de ses rapports intimes avec Critias et Charmide, qu'on a voulu expliquer le caractère de ses idées politiques et ses préférences marquées, bien qu'accompagnées de réserves expresses[23], pour le régime aristocratique dont Lacédémone était le type.
Platon avait deux frères ; Adimante et Glaucon, qui figurent dans la République[24], et une sœur nommée Potone, dont le fils Speusippe succéda à son oncle dans l'Académie[25].
Aucun des éléments qui, d'après les idées des Grecs, constituaient une parfaite éducation[26], ne lui manqua. Il eut pour maître de gymnastique Ariston d'Argos, et l'on veut même qu'il ait assez bien profité de ses leçons pour remporter deux prix aux jeux Olympiques et aux jeux Isthmiques[27]. La musique lui fut enseignée par Dracon, élève du célèbre Damon, et par Métellus d'Agrigente. Tous ses dialogues, et particulièrement le Timée, attestent qu'il avait poussé fort loin les études théoriques de cet art, qui, dans l'antiquité, se rattachaient étroitement aux mathématiques. Ce fut Denys le grammairien, mentionné dans les Amants, qui l'initia à cet ensemble de connaissances libérales que les anciens appelaient la grammaire[28], et longtemps avant son voyage en Égypte il avait peut-être entendu à Athènes le célèbre mathématicien Théodore de Cyrène[29], qui était venu visiter cette ville avant la mort de Socrate.
L'importance des mathématiques a sans doute été grande à ses yeux ; Platon fut un des plus grands promoteurs de cette science[30], et s'il faut en croire une tradition rapportée par Proclus, c'est à lui qu'est due l'invention de la méthode analytique et des sections coniques[31].
D'après des documents de famille qu'avait conservés Speusippe, son esprit, dès l'enfance, vif et rapide, docile et modeste, ardent et laborieux, mit à profit cette éducation-libérale[32] ; mais, malgré les espérances légitimes que pouvaient faire naître et les grands appuis de sa famille et ses propres talents, il renonça de bonne heure à la vie politique[33], la seule cependant qui fût digne d'un homme, suivant le sentiment de toute l'antiquité, et que lui-même considérait non-seulement comme le plus grand honneur, comme le plus grand devoir d'un bon citoyen, mais comme la perfection et pour ainsi dire le couronnement de la vie philosophique[34]. Si l'on en croit la VIIe lettre, dont l'authenticité est acceptée, et dont le témoignage paraît considérable aux yeux mêmes de ceux qui la contestent, il aurait essayé de la politique, et même pris quelque part au gouvernement des Trente, mais il y aurait vite renoncé, dégoûté par les excès et les fureurs des partis[35] :
« Du temps de ma jeunesse, je ressentais en effet la même chose que beaucoup dans ce cas ; je m'imaginais qu'aussitôt devenu maître de moi-même, j'irais tout droit m'occuper des affaires communes de la cité. Et voilà comment le hasard fit que je trouvais les choses de la cité. Le régime d'alors étant en effet soumis aux violentes critiques du plus grand nombre, une révolution se produisit. (…) Et moi, voyant donc cela, et les hommes qui s'occupaient de politique, plus j'examinais en profondeur les lois et les coutumes en même temps que j'avançais en âge, plus il me parut qu'il était difficile d'administrer droitement les affaires de la cité. Il n'était en effet pas possible de le faire sans amis et associés dignes de confiance -et il n'était pas aisé d'en trouver parmi ceux qu'on avait sous la main, car notre cité n'était plus administrée selon les coutumes et les habitudes de nos pères. » (Lettre VII)
Il s'initia à la peinture, écrivit des poèmes, des dithyrambes, des vers lyriques et des tragédies.
Il fut élève de Cratyle (disciple d'Héraclite d'Éphèse) et d'Hermogène (disciple de Parménide), puis devint l'élève de Socrate vers l'âge de 20 ans. À la suite de cette rencontre, Platon abandonna l'idée de concourir pour la tragédie et brûla toutes ses œuvres. Platon transmettra l'enseignement de son maître en se l'appropriant et en le transformant.
Après la mort de Socrate (à laquelle il n'assista pas), il partit pour Mégare. Il voyagea ensuite en Égypte, à Cyrène, en Italie (où il rencontra Philolaos et Timée) et en Sicile. Il fut reçu à la cour de Denys, à Syracuse, et gagna à la philosophie Dion, beau-frère du tyran.Mais il ne tarda pas à déplaire au tyran,soit à cause de son enseignement ,soit à cause de son rayonnement sur les personnages de la cour.
Près de Colone et du gymnase d'Acadèmos, il créa une école, l'Académie, sur le modèle des pythagoriciens.
Le jeune Aristote (dit le « lecteur » par son maître) suivra ses enseignements, puis s'en détachera pour fonder sa propre école : le Lycée.
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