Né à Paris le 28 août 1915, Claude Roy est le fils d'un artiste-peintre d'origine espagnole et d'une mère d'origine charentaise . Élevé à Jarnac, il se lie d'amitié avec François Mitterrand avec qui il fait une partie de ses études. D'abord étudiant à l'université de Bordeaux, il monte à Paris en 1935 pour s'inscrire à la faculté de droit. Contrairement a ce que prétendent certaines grandes encyclopédies, « Claude Orland » était son premier nom d'auteur, et non pas son vrai nom.
Malgré la diversité de ses lectures d'étudiant (Nietzsche, Spengler, Baudelaire, Malraux, Gide, Proust, Lénine), il est séduit par l'énergie du projet contre-révolutionnaire des Camelots du Roi. La dimension provocatrice du mouvement maurrassien satisfait son mépris pour l'ordre bourgeois. Avec d'autres jeunes gens fous de littérature et d'action radicale (Philippe Ariès, Raoul Girardet ou Pierre Boutang), il écrit dans l'organe des étudiants de l'Action française, L'étudiant français. Avec Pierre Bénouville, André Bettencourt et François Mitterrand, il fait aussi partie de ces étudiants résidant à l'internat des pères maristes (situé au 104, rue de Vaugirard à Paris) qui fréquentent les chefs de La Cagoule sans adhérer forcément à la formation d'extrême-droite. Parallèlement, il publie quelques nouvelles dans La Nouvelle Revue française et La Revue du siècle, nouvelles d'où ressort l'influence de Giraudoux dont il se réclame comme de Supervielle, Gide, Mauriac, Bernanos, Malraux.
En relation avec Thierry Maulnier et Robert Brasillach, il écrit ponctuellement quelques articles comme critique littéraire à Je suis partout en 1937.
Appelé par ses obligations militaires, il est déjà soldat lorsque la guerre éclate. Alors que son premier poème est publié par Pierre Seghers dans PC 40, il est fait prisonnier au mois de juin 1940. Dès octobre 1940, il s'évade et gagne la zone libre. En 1941, son expérience de la guerre et l'action d'un Régime de Vichy imprégné de maurrassisme l'amènent en 1941 à cesser sa collaboration à Je suis partout. Il s'engage alors dans la Résistance au sein des Étoiles, une organisation où il rencontre Gide, Giraudoux, Eluard, Aragon et Elsa Triolet.
Ces derniers le persuadent d'adhérer au parti communiste en 1943. Rallié aux FFI lors de la libération de Paris, il devient correspondant de guerre durant la campagne d'Allemagne où il suit des procès pour Combat. Chroniqueur au journal Libération, critique littéraire, d'art et de théâtre, il fréquente alors avec assiduité les réunions du groupe de la rue Saint-Benoît. Il y croise Marguerite Duras, Edgar Morin, Jorge Semprun, Maurice Merleau-Ponty et de temps à autre Georges Bataille et Simon Nora. Connu jusque là comme poète (Clair comme le jour, 1943 ; Élégie des lieux communs, 1952), il publie le roman La nuit est le manteau des pauvres en 1949.
Il se montre aussi un analyste profond des réalités des pays qu'il découvre. Il publie des récits de voyages rendant compte de ses pérégrinations aux États-Unis (Clefs pour l'Amérique, 1949) et en Chine (Clefs pour la Chine, 1953). Mais, en 1956, l'intervention soviétique en Hongrie l'amène à rompre avec la ligne du PCF (dans le cadre d'une déclaration également signée par Sartre et Roger Vailland).
Signataire d'une pétition de protestation avec la mouvance sartrienne, il amorce sa collaboration à France Observateur à partir de 1957. S'il y exprime des positions plus anti-soviétiques, il s'engage contre la guerre d'Algérie et la torture pratiquée au centre du Landy (octobre 1957), proche de France Observateur et des mouvances sartrienne et chrétienne. Définitivement exclu du PCF en juin 1958, il appelle à une mobilisation communiste lors de l'arrivée du général de Gaulle. Il est alors, comme d'autres anciens communistes (François Furet, Serge Mallet), devenu pigiste régulier de France Obs.
Mais cela ne l'empêche pas de s'y distinguer en signant le Manifeste des 121 pour le droit à l'insoumission (1961). Malgré sa fascination pour la gloire de Sartre et ses liens passés avec Albert Camus, il n'est pas de la nouvelle formule (novembre 1964) et attend juin 1966 pour y intervenir de nouveau. Collaborateur régulier à partir de février 1968, il y traite à la fois de littérature, de livres de sciences humaines et d'essais de tous genres. Faisant preuve d'ouverture à l'égard des penseurs antitotalitaires, il rend par exemple compte de La Révolution introuvable de Raymond Aron (19 septembre 1968) ou du Premier cercle de Soljenitsyne (18 novembre 1968).
Il effectue aussi un reportage aux États-Unis durant l'été 1969. Cette année là, il publie le premier tome de son autobiographie (Moi je) chez Gallimard, dont il devient membre du Comité de lecture jusqu'à sa mort. Politiquement, il s'oppose à tous les régimes oppressifs, dénonçant par exemple la répression en Turquie. Mais c'est surtout la situation dans les pays de l'Est qui l'intéresse, comme l'illustre son dossier sur Le Printemps aux oeillets rouges (1er juin 1974) ou sa défense de L'Archipel du Goulag en juillet 1974.
Critique virulent de la « maolâtrie » en vigueur dans les milieux « germanopratins », il supporte mal le « hold-up » des Nouveaux Philosophes sur la question du goulag. Qualifiant ces derniers de disc-jockeys de la pensée (18 juillet 1977), il s'engage aussi à dénoncer le mythe maoïste dans les colonnes de la revue Esprit.
De même, dans le Nouvel Observateur de juillet 1979, il évoque longuement la Chine telle qu'elle lui est apparue lors d'un voyage récent. Et, à la rentrée, il tire de ses articles sur le sujet un recueil (Sur la Chine, Gallimard) où il ne cache ni sa tristesse pour un pays dont il aime profondément le peuple, ni ses illusions passées quant à l'aptitude du maoïsme à corriger ses erreurs. Il s'en prend aussi avec verve aux rapports qu'entretient l'intelligentsia parisienne avec l'idéologie du Grand Timonier. Simon Leys rend souvent hommage à sa clairvoyance et à sa franchise dans Essais sur la Chine (« Bouquins » Laffont, 1998). S'il participe aussi au débat sur la Nouvelle Droite, son intérêt pour l'Extrême-Orient l'amène à ferrailler sur la question du Cambodge avec Noam Chomsky.
Dans son débat avec ce dernier en juin 1980, il critique sa position qui assimile les insuffisances et les tares des démocraties bourgeoises aux crimes des régimes totalitaires, voire aux crimes nazis. Il tire de ses réflexions sur l'aveuglement qu'entraînent les idéologies un ouvrage, Les chercheurs de dieux : croyance et politique (Gallimard, 1981), où il analyse la propension des hommes à vouer une véritable foi à quelqu'un ou à quelque chose, appliquant particulièrement cette réflexion à l'ersatz de religion qu'est pour lui le communisme. Au printemps 1981, il effectue un voyage en Pologne, puis publie le carnet de route qu'il y a tenu.
Se découvrant atteint d'un cancer du poumon en juin 1982 (expérience qu'il racontera dans Permis de séjour), il collabore moins régulièrement au Nouvel Observateur. Véritable polygraphe, il ne cesse de publier des romans, des témoignages sur ses nombreux voyages, des descriptions critiques, des essais sur l'art et sur les artistes - dont beaucoup sont ses amis -, des livres pour enfants et des poèmes, car la poésie est au cœur de toute son écriture. Elle en est le fil conducteur et c'est à travers elle que la littérature prend toute sa place pour donner un sens à son existence inquiète et à des engagements souvent déçus. En 1985, il reçoit le premier Goncourt de poésie de l'académie Goncourt.
Ses dernières années restent celles d'un homme d'une très grande culture, d'un sage qui n'est dupe de rien. Il écrit qu'il a conclu « une paix honorable ou du moins un armistice acceptable avec le monde et lui-même, sans se résigner à l'iniquité de la vie, ni s'aveugler sur ses propres manques ».
De 1983 à l'année de sa mort, il publie six volumes de son journal intime, œuvre d'un genre unique qui mêle réflexions, récits, carnets de voyages, poèmes et aphorismes, et qui couvre les années 1977-1995. Il meurt d'un cancer le 13 décembre 1997, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Il aura été un intellectuel important de sa génération. Honnête homme, il avait des convictions qui n'empêchaient ni le respect tolérant des différences ni l'expression de l'amitié la plus fidèle.
Claude Roy était marié en secondes noces (1958) avec la comédienne et dramaturge Loleh Bellon (1925-1999), elle-même divorcée de Jorge Semprun. Elle l'aime \"d'un amour de diamant\" et le soutient pendant les seize ans de son cancer, et ne lui survivra que deux ans seulement[1],[2]
Source : Wikipedia