William Shakespeare naît au cours du mois d’avril 1564 à Stratford-upon-Avon, dans le Warwickshire (centre), en Angleterre. Son père, John Shakespeare, dont il était le troisième de huit enfants, était un gantier et marchand de cuir prospère, en plus d’être un homme d’une certaine position dans la ville de Stratford : en 1565, il y avait été élu conseiller municipal, puis grand bailli (ou maire) en 1568. En 1557, il avait épousé Mary Arden, une bourgeoise, et tous deux vivaient dans une maison située sur la Henley Street.
L’acte de baptême du jeune William est daté du 26 avril : on baptisait les nourrissons dans les quelques jours qui suivaient leur naissance, et par tradition, l’on s’accorde à citer le 23 avril 1564 comme la date de naissance précise du dramaturge. Cela permet d’ailleurs d’ébaucher une curieuse symétrie puisqu’il est décédé le même jour en 1616. En outre, il est tout à fait approprié que la naissance du plus grand dramaturge anglais coïncide avec la fête de Saint-Georges, le saint patron de l’Angleterre.
Le milieu confortable dans lequel Shakespeare est né le conduisit vraisemblablement à fréquenter, après le degré élémentaire, l’école secondaire « King Edward VI » au centre de Stratford, où l’enseignement comprenait un apprentissage intensif de la langue et la littérature latine, ainsi que de l’histoire, de la logique et de la rhétorique. Même si les registres d’inscriptions n’ont pas survécu, il est dans la logique que Shakespeare ait fréquenté cet établissement. Il n’existe pas davantage de preuves pour attester d’une éducation poursuivie au-delà de l’école secondaire.
Le 28 novembre 1582, à Temple Grafton près de Stratford, Shakespeare épouse Anne Hathaway, la fille d’un fermier de 8 ans son aînée dont il eut trois enfants. Deux voisins de la mariée, Fulk Sandalls et John Richardson publièrent les bans de mariage, pour signifier que l’union ne rencontrait pas d’opposition. Il apparaît toutefois que la cérémonie avait été organisée en hâte : Anne était enceinte de trois mois. Après son mariage, Shakespeare ne laisse que de rares traces dans les registres historiques, avant de réapparaître sur la scène artistique londonienne.
La suite des années 1580 est donc connue comme l’époque des « années perdues » de la vie du dramaturge : nous n’avons aucune trace pour expliquer la vie de l’écrivain pendant ce laps de temps, et nous ne pouvons pas expliquer pourquoi il quitta Stratford pour venir à Londres. Une légende, aujourd’hui tombée en discrédit, raconte qu’il avait été pris en train de braconner dans le parc de Sir Thomas Lucy, un juge de paix local, et s’était donc enfui pour échapper aux poursuites. Une autre théorie suggère qu’il aurait rejoint la troupe du Lord Chamberlain alors que les comédiens faisaient de Stratford une étape de leur tournée. Le biographe du XVIIe siècle John Aubrey rapporte le témoignage d’un comédien de la troupe de Shakespeare, racontant qu’il aurait passé quelques années en tant qu’instituteur.
On sait par contre, que le 26 mai 1583, Susanna, le premier enfant de Shakespeare, est baptisé à Stratford. Deux jumeaux, Hamnet et Judith, sont baptisés quelque temps plus tard, le 2 février 1585. Hamnet, son unique fils, connaît très jeune un funeste destin, puisqu’il décède à l’âge de onze ans : on l’inhume le 11 août 1596. Beaucoup suggèrent que ce décès inspira au dramaturge la tragédie Hamlet (env. 1601), une histoire construite d’après plusieurs influences, parmi lesquelles une pièce danoise (restée introuvable) Amleth, ou Thomas Kyd.
Londres et le théâtre
En 1592, la trace de Shakespeare réapparaît à Londres, où il est enregistré en tant qu’acteur et dramaturge. A ce stade, il a déjà suffisamment de réputation pour être vertement critiqué par Robert Greene, qui parle de lui comme d’un « corbeau arrogant, embelli par nos plumes, dont le cœur de tigre est caché par le masque de l’acteur, et qui présume qu’il est capable de déglutir un vers aussi bien que les meilleurs d’entre vous : en plus d’être un misérable scribouillard, il se met en scène dans sa dramatique vanité. » (Greene, dans son pamphlet, fait ici allusion à Henry VI, 3ème partie, en reprenant le vers : « Oh, cœur de tigre caché dans le sein d’une femme. »)
On peut donc conjecturer qu’il a du être sur la scène londonienne depuis un certain temps, et les spécialistes estiment qu’il a quitté Stratford vers 1587.
Shakespeare devint acteur, écrivain et finalement sociétaire d’une compagnie théâtrale, connue sous le nom de « The Lord Chamberlain’s Men », troupe pour laquelle il écrit exclusivement depuis 1594. La compagnie tire son nom, comme le voulait l’époque, du mécène aristocrate qui soutenait la troupe (Lord Chamberlain était un ministre responsable des divertissements royaux. Ce titre a longtemps désigné la fonction de principal censeur de la scène artistique britannique).
Le théâtre du Globe à Londres
La compagnie devint très populaire : après la mort d’Élisabeth Ire et le couronnement du roi Jacques Ier (1603), le nouveau monarque adopta la troupe qui porta désormais le nom des « Hommes du Roi » (King’s Men). La troupe finit par devenir résidente du théâtre du Globe, dont la réplique exacte est de nouveau en activité à Londres.
Plus tard, divers documents provenant des tribunaux ou des registres commerciaux montrent que Shakespeare était devenu suffisamment riche pour s’acheter une propriété dans le quartier londonien de Blackfriars (rive sud de la Tamise, le quartier des théâtres et des prisons !). A cette époque, il possédait également une grande propriété à Stratford.
Retraite et fin de vie
Vers 1611, Shakespeare décide de prendre sa retraite, qui s’avéra pour le moins agitée : il fut impliqué dans des démêlés judiciaires à propos de terrains qu’il possédait. A l’époque, les terrains clôturés permettaient le pâturage des moutons, mais privaient du même coup les pauvres de précieuses ressources. Pour beaucoup, la position très floue que Shakespeare adopta au cours de l’affaire était décevante, parce qu’elle visait à protéger ses propres intérêts au mépris des nécessiteux.
Pendant les dernières semaines de sa vie, le gendre pressenti de sa fille Judith - Thomas Quiney, un aubergiste – fut convoqué par le tribunal paroissial pour « fornication ». Une femme du nom de Margaret Wheeler avait accouché et prétendait que l’enfant était de l’aubergiste ; mais la mère et l’enfant moururent peu après ce sombre épisode. Quiney fut déshonoré, et Shakespeare corrigea son testament pour assurer que les intérêts de Judith lui étaient sécurisés à son nom.
Shakespeare mourut le 23 avril 1616, à l’âge de 51 ans. Il resta marié à Anne jusqu’à sa mort et ses deux filles lui survécurent. Susanna épousa le Dr John Hall, et même si les deux filles de Shakespeare eurent elles-mêmes des enfants, aucuns d’eux n’eurent de descendants. A ce jour, il n’y a donc pas de descendants directs du poète.
Shakespeare est enterré dans le chœur de l’église de la Trinité à Stratford-upon-Avon. Il reçut le droit d’être enterré dans le chœur de l’église, non pas grâce à sa vie de dramaturge, mais après qu’il soit devenu sociétaire de l’église en payant la dîme de la paroisse (£440, une somme importante). Un buste commandé par sa famille le représente, écrivant, sur le mur adjacent à sa tombe. Chaque année, à la date présumée de son anniversaire, on place une nouvelle plume d’oie dans la main droite du poète.
À l’époque de Shakespeare, il était courant de faire de la place dans les tombeaux paroissiaux en les déplaçant dans un autre cimetière. Par crainte que sa dépouille ne soit enlevée du tombeau, on pense qu’il a composé cet épitaphe pour sa pierre tombale :
Une signature de Shakespeare :
Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
De creuser la poussière déposée sur moi.
Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
Mais maudit soit celui violant mon ossuaire.
(Good friend, for Jesus' sake forbear,
To dig the dust enclosed here.
Blest be the man that spares these stones,
But cursed be he that moves my bones.)
La légende populaire veut que des œuvres inédites reposent dans la tombe de Shakespeare, mais personne n’a jamais vérifié, par peur sans doute de la malédiction évoquée dans l’épitaphe.