Pierre Abélard est né en 1079 en Bretagne, au Pallet, près de Nantes, dans une famille noble. Sa mère se prénommait Lucie, son père, Béranger, lequel se chargea de l'éducation de ses enfants. Pierre eut trois frères et une sœur : Raoul, Porcaire et Dagobert et Denyse. Il mourut à 63 ans.

Il ne souhaitait pas faire le métier des armes. Après l'éducation que lui apporta son père, il suivit l'enseignement de Roscelin de Compiègne à Loches, et sans doute celui d'autres maîtres dans la vallée de la Loire (notamment à Angers et Tours[1]), puis vint à Paris vers 1100. Il y suivi l'enseignement de Guillaume de Champeaux, archidiacre de Notre-Dame, mais il s'oppose vite à celui-ci dans la Querelle des Universaux en prenant parti contre le réalisme, ce qui fera des deux hommes des rivaux jusqu'à leur mort.

À Paris, comme à Laon où il étudie ensuite auprès d'Anselme, alors que Guillaume de Champeaux a réussi à l'écarter de son enseignement parisien, Abélard se fait remarquer par l'originalité de sa pensée et son caractère incommode (qui sera souvent source de ses ennuis).

Revenu vers 1102 à Paris et devenu maître (nom donné à un enseignant dans le monde médiéval) où il rompt avec l'école capitulaire de Notre-Dame, il s'installe dans les environs de Paris sur la montagne Sainte-Geneviève où il fonde une école de rhétorique et de théologie ouverte par lui-même où il s'établit en 1108. Dans cette école, il enseigne la rhétorique et la philosophie scolastique, et propage ses idées dans les écoles de Melun, de Corbeil et de Paris. Il jouit très rapidement d'une grande renommée dans le monde des intellectuels et passe vite pour l'un des philosophes les plus importants de sa génération.

C'est un maître brillant qui a un grand succès. Cette école fut fréquentée par plus de 3000 auditeurs de toutes les nations, et d'où sortirent plusieurs hommes célèbres.

Il débute tardivement ses études de théologie, mais son succès est aussi important dans l'enseignement de cette matière que la philosophie. Il se trouve opposé à des personnalités éminemment importantes comme saint Bernard et Guillaume de Saint-Thierry, qui le considèrent comme un hérétique au vu de ses positions théologiques et doctrinaires sur la question de la trinité et sur la foi. « La foi, disait Abélard est l'opinion qu'on se fait des réalités cachées, non évidentes »[2]. Or la foi n'habite pas dans le cœur de l'homme à la manière d'une opinion[3], elle est un don (une grâce) de Dieu que nous ne pouvons acquérir par nous-mêmes, mais que nous pouvons soit accepter soit refuser[4]. Dans une longue Disputatio[5], Guillaume de Saint-Thierry réfute treize propositions d'Abélard, puis il alerte saint Bernard par lettre. Finalement, le concile de Sens condamne Abélard en juin-juillet 1140, qui se soumet.

Saint Bernard, abbé de Clairvaux, qui juge dangereuse l'influence de la pensée d'Abélard, demande au concile de Sens et au pape Innocent II de le condamner pour le scepticisme et le rationalisme de ses écrits et de son enseignement (1140). En se rendant à Rome pour faire appel de sa condamnation, Abélard accepte l'hospitalité de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, et y demeure plusieurs mois. Il meurt dans le prieuré clunisien de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône le 21 avril 1142. Son corps est transporté au Paraclet et Héloïse, morte en 1164, sera enterrée à ses côtés. En 1817, la ville de Paris, soucieuse de réaliser un geste fort à destination des Parisiens de l'est de la capitale, organise le transfert de la dépouille d'Héloïse et Abélard au cimetière du Père-Lachaise.

On peut voir aujourd'hui les restes du monastère (le Paraclet) fondé par Abélard près de Troyes, non loin de Provins.
Pierre Abélard et Héloïse selon Edmund Blair Leighton.

La vie et le caractère de Pierre Abélard nous sont connus en détail grâce à sa correspondance. Une lettre adressée à un ami inconnu présente son autobiographie, sur le modèle des Confessions de saint Augustin : Historia Calamitatum - L'Histoire des mes Malheurs. La correspondance comprend également les célèbres lettres échangées avec Héloïse.

Cette correspondance n'est connue qu'au travers de copies plus tardives. Il est donc impossible d'en assurer l'authenticité. Même si d'autres attributions ont été proposées (le nom de Jean de Meung fut par exemple avancé[6]) l'authenticité des lettres semble aujourd'hui la thèse la plus probable.

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Abélard est connu auprès du grand public, non pour ses écrits de logique et de théologie, mais pour sa liaison tragique avec Héloïse, qui fut une de ses élèves. À cette époque la jeune Héloïse[7] se faisait remarquer par son esprit, ses connaissances et sa beauté. Dans la perspective de diriger les études d'Héloïse, Abélard fut en pension chez le chanoine Fulbert, oncle d'Héloïse, et bientôt leur relation ne fut plus un mystère.[8]

Abélard expédie Héloïse dans sa famille en Bretagne. Elle y met au monde un fils qu'elle nomme Astrolabe.

Ils se marieront en secret par la suite, sur l'insistance de Fulbert. Héloïse y était opposée. Abélard lui, craignait que la divulgation de son mariage ne nuise à sa carrière universitaire. Ils veulent donc garder le mariage secret. Mais le chanoine Fulbert révèle le mariage au grand jour. Abélard ayant placé Héloïse au couvent d'Argenteuil, le chanoine crie à la répudiation. Hors de lui, il ordonne à des hommes de main d'aller mutiler Abélard. Celui-ci est émasculé : le scandale est énorme car c'est une punition réservée aux adultères. S'agissant d'une vengeance privée, commise au sein même du chapitre de Notre-Dame et sur le plus illustre clerc de son temps, elle consterne tout le royaume.

Les deux malfrats sont punis de la loi du talion - on leur creva les yeux, en prime -, et Fulbert est suspendu. Héloïse reste au couvent où elle prend le voile, non sans continuer d'entretenir une correspondance avec son mari, correspondance publiée sous le titre de Lettres d'Abélard et d'Héloïse vers 1130.

Par la suite, elle sut maintenir son indépendance d'une façon rare[réf. nécessaire] mais soutint toujours, malgré les soucis, Abélard.