Jean de La Bruyère est né le 16 août 1645 à Paris. Il est le fils aîné d'un contrôleur général des rentes et de sa femme, deux bourgeois parisiens.
La Bruyère fréquente l'Oratoire de Paris. A l'âge de vingt ans, il est licencié en droit à l'Université d'Orléans, et revient vivre à Paris. Il s'inscrit au barreau, mais n'exerce quasiment pas le métier d'avocat.
En 1673, l'écrivain acquiert une charge de trésorier général de France, à Caen, pour environ vingt-mille livres. Cette charge lui confère aussi l'anoblissement. La Bruyère se rend à Caen pour toutes les formalités, puis... revient à Paris, et revend sa charge en 1686.
Dès août 1684 en effet, il a pour occupation d'être le précepteur du jeune duc de Bourbon. Cette position lui aurait été donnée grâce à l'intervention de Bossuet en sa faveur. Le duc a alors 16 ans, et étudie au collège jésuite de Clermont. La Bruyère partage donc son préceptorat avec deux jésuites, et focalise son enseignement sur l'histoire, la géographie et les institutions de la France.
Le jeune duc se marie le 24 juillet 1685 avec Melle de Nantes, une fille de Louis XIV. Dès ce moment, La Bruyère va dispenser ses leçons aux deux époux. Après la fin de l'instruction du Duc de Bourbon en 1686, La Bruyère reste quelque temps dans la maison de Condé en tant que gentilhomme de M. le Duc. Toutefois, l'écrivain ne s'y sent plus à l'aise et est en permanence sur la défensive, et l'on retrouve dans son œuvre des marques de son amour-propre blessé.
En 1688 paraissent les Caractères. Son nom n'y figure toutefois pas. Le succès est important, et sera complété par d'autres éditions. Celle de 1696 sera la neuvième, juste avant la mort de La Bruyère.
Les gains des ventes de son ouvrage ne peuvent cependant pas être une source de fortune pour l'écrivain, qui d'ailleurs avait prévu de les utiliser pour la dot de la fille du libraire Michallet.
Après un premier échec, La Bruyère est élu à l'Académie française en mai 1693. Son discours de réception provoque quelques polémiques, que l'on retrouve en particulier dans le Mercure galant. En effet, Corneille et Fontenelle en sont les principaux rédacteurs, et ne lui pardonnent pas d'avoir fait l'éloge, dans son discours, des Anciens : La Fontaine, Bossuet, Boileau, de même que d'avoir préféré Racine à Corneille.
Durant les dernières années de son existence, La Bruyère travaille à un nouvel ouvrage qui restera finalement inachevé : Dialogues sur le Quiétisme, publiés à titre posthume en 1699 par l'abbé du Pin, qui en aurait remanié une partie.
La Bruyère décède dans la nuit du 10 au 11 mai 1696, à Versailles, d'une crise d'apoplexie. Il meurt seul et sans argent.
Antoine Bossuet a transmis le récit de sa mort : « J'avais soupé avec lui le mardi 8 ; il était très gai et ne s'était jamais mieux porté. Le mercredi et le jeudi même, jusqu'à neuf heures du soir, se passèrent en visites et en promenades, sans aucun pressentiment; il soupa avec appétit, et tout d'un coup il perdit la parole et sa bouche se tourna. M. Félix, M. Fagon, toute la médecine de la cour vint à son secours. Il montrait sa tête comme le siège de son mal. Il eut quelque connaissance. Saignée, émétique, lavement de tabac, rien n'y fit... Il m'avait lu [deux jours auparavant] des Dialogues qu'il avait faits sur le quiétisme, non pas à l'imitation des Lettres Provinciales' (car il était toujours original), mais des dialogues de sa façon. C'est une perte pour nous tous; nous le regrettons sensiblement. »
Quant à Saint-Simon, il écrit la chose suivante : « Le public perdit bientôt après (1696) un homme illustre par son esprit, par son style et par la connaissance des hommes : je veux dire La Bruyère, qui mourut d'apoplexie à Versailles, après avoir surpassé Théophraste en travaillant d'après lui, et avoir peint les hommes de notre temps, dans ses nouveaux caractères, d'une manière inimitable. C'était d'ailleurs un fort honnête homme, de très bonne compagnie, simple, sans rien de pédant, et fort désintéressé. Je l'avais assez connu pour le regretter, et les ouvrages que son âge et sa santé pouvaient faire espérer de lui. »
Les Caractères, l'œuvre d'une vie
Les Caractères est un recueil de portraits moraux et de maximes. L'ouvrage est publié pour la première fois à Paris en 1688, chez Estienne Michallet.
Dès cette première édition, neuf versions paraîtront commentées et corrigées jusqu'en 1696 (avec par exemple, l'ajout du discours d'entrée à l'Académie).
La Bruyère a entamé la composition de son ouvrage vers 1674 (certains avancent même l'année 1670). Il cherche à réunir l'ensemble de ses observations portant sur les hommes de son époque. Fasciné aussi bien par l'étude des comportements humains que par l'écriture, La Bruyère vit de quelques rentes et s'installe à Paris pour continuer son travail. Ce n'est qu'après dix-sept ans de cette travail acharné que La Bruyère se décide à en publier une première édition.
Le succès est au rendez-vous, ce à quoi ne s'attendait pas l'auteur, qui avait plutôt prêté attention à sa traduction des Caractères de Théophraste. En effet, confirmant ainsi ce qu'il annonce dans son premier Chapitre (il ne sera pas le premier penseur à traiter ce thème), l'écrivain réécrit sur la base de Théophraste, comme La Fontaine a pu le faire en utilisant les fables d'Esope.
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