Anne Duguël, nom de plume de Anne Liger-Belair, née à Ixelles (Bruxelles) le 1er août 1945, est un écrivain belge francophone. Elle écrit pour les enfants et pour les adultes et signe aussi sous les noms de Gudule, Anne Guduël, Anne Carali.
Enfant solitaire, Anne Duguël développe très vite un imaginaire débridé ainsi qu'une passion immodérée pour la lecture. Elle découvre Jean Ray et Michel de Ghelderode qui lui confèrent le goût de l'étrange et de l'irrationnel. Après des études d'Arts-déco en Belgique, elle passe cinq ans comme journaliste au Moyen-Orient.
À son retour en France en 1970, elle collabore à divers magazines, associant dessin, écriture et journalisme : Hara-Kiri, Pomme d'api, Fluide glacial, Charlie Hebdo, L'Écho des savanes, Pif poche... et anime une émission consacrée à la bande dessinée sur Radio Libertaire.
Il lui faut attendre 1987 pour que son premier livre, Prince charmant poil aux dents, un album pour tous petits (Syros), soit publié. Depuis lors, elle mène de front la carrière d'auteur fantastique et celle d'écrivain pour enfants sous le nom de Gudule. Cette double passion confère à son écriture une vivacité et une émotion permanentes jamais démenties.
Ses récits pour la jeunesse traitent de manière légère et drôle de sujets graves et d'actualité, comme l'enfance maltraitée (Agence Torgnole, frappez fort, 1991), la séropositivité en milieu scolaire (La vie à reculons), le SDF (L'Envers du décor) ou le racisme (L'Immigré)...
Relevant d'un fantastique minimaliste, voire quasi inexistant, les romans pour adultes d'Anne Duguël n'en ont pas moins des accointances avec le policier. L'auteur rappelle Marc Agapit par son humour macabre et sa puissance créatrice. Son fantastique plonge ses racines dans l'enfance, ses peurs et ses angoisses et dans les dysfonctionnements psychiques de l'être humain. Ses histoires de possession, de jalousie, d'envoûtement, de transferts de personnalité, et de schizophrénie acquièrent en effet une structure solide, propre à porter, sans dérive externe, l'émotion fantastique. Pour elle, il n'y a pas de plus grande peur que celle que nous portons en nous, en permanence, à l'état endémique. Toute son œuvre semble affirmer que les ferments de l'épouvante se trouvent dans notre quotidien : cauchemars, traumatismes, vertiges intérieurs, pièges de la mémoire, impuissance devant le temps qui passe, la maladie, la dégradation, la mort...
Premier roman de ce genre, Le Corridor (1991) retrace la quête d'une femme prête à tout pour percer le secret de jeunesse de son mari. Ce qui inaugure ce roman, c'est la thématique de l'enfance brisée, une thématique qui, couplée avec celle de la folie, va devenir l'objet précis des développements romanesques futurs d'Anne Duguël.
En 1994, elle entame une collaboration avec le Fleuve noir et la collection « Frayeur » dirigée par Jean Rollin. Asylum (1994) raconte la vengeance d'un petit garçon surdoué qui découvre qu'il fait l'objet d'expériences génétiques à son insu et que les savants qu'il prenait pour ses parents ont tué ses vrais parents. Raconté du point de vue de l'enfant, le roman fait preuve d'une richesse de sensibilité et d'émotion rares.
La même atmosphère sombre pèse sur Gargouille (1995), consacré à la revanche d'une orpheline disgracieuse qui, autrefois, a été le souffre-douleur de ses camarades dans un pensionnat religieux. La Baby-sitter (1995) met en scène une gouvernante qui, traumatisée dans sa prime enfance, se laisse dominer peu à peu par la violence que contient les contes de fées qu'elle lit le soir à deux enfants. Par un renversement des situations, ces derniers deviennent, comme dans un jeu, les bourreaux de celle qui, tout d'un coup, se prenait pour l'ogre et les traquait. Chez Duguël, le climat fantastique peut provenir du non-dit, de pensées secrètes et des mystères de l'inconscient.
Avec La Petite fille aux araignées (1995), l'auteur nous entraîne dans l'univers intérieur d'une petite fille enfermée dans l'autisme suite au décès de sa mère et la mort de sa tante dévorée par son chien. Incapable de la comprendre, les adultes la poussent à agir secrètement pour réparer son drame.
Après l'arrêt de la collection « Frayeur », Anne Duguël publie Petite chanson dans la pénombre (1996), un roman d'atmosphère sur le thème du fantôme vengeur, dans la collection « Poche Revolver-fantastique » (Florent Massot). L'âme d'une petite fille, violée et tuée, erre depuis cinquante ans, prisonnière dans le hangar d'une vieille ferme, qu'un couple décide de rénover. En la personne de leur fille, le fantôme tiendra l'instrument de sa vengeance contre celui qui l'a amené là.
Avec Mon âme est une porcherie (1998), autre variation sur l'innocence crue et cruelle des enfants, Duguël livre son roman le plus violent, le plus désespéré et le plus poignant, pourtant écrit comme une farce. Une petite fille, ayant dérobé le cochon en peluche porte-bonheur de sa copine, se persuade que celui-ci possède des attributs magiques. Rêve-t-elle les meurtres abominables qu'elle lui fait accomplir ou sont-ils véritables ?
Moins fantastique et érotique mais tout aussi dérangeant, Dans la bulle de l'ange (1998) raconte, sur fond de trafic d'organes, d'internement abusif et d'émasculation d'un génie créateur, le récit d'une jeune adolescente qui fait évader d'un asile psychiatrique un malade, célèbre auteur de bandes dessinées, persuadée qu'il est enfermé à tort.
Enfin, lorsqu'on exacerbe la paranoïa jusqu'au crime, les conséquences d'une méprise peuvent s'avérer effroyables comme l'illustre La Mort aux yeux de porcelaine (1999), histoire d'un gamin conditionné par ses parents à voir, en tout adulte qui s'intéresse à lui, un pédophile et un bourreau potentiel.
Style épuré et concis, sens inné de la narration et de la bizarrerie, Duguël se place aux côtés des auteurs les plus remarquables du mouvement fantastique érotique, par son humour noir décalé, sa sensibilité féminine et sa perversité réjouissante. Elle sait surtout dépeindre l'enfance avec une véracité et une vivacité peu commune.