Adam Smith (5 juin 1723 - 17 juillet 1790) est un philosophe et économiste écossais des Lumières. Il reste dans l’histoire comme le père de la science économique moderne, et son œuvre principale, la Richesse des nations, est un des textes fondateurs du libéralisme économique. Professeur de philosophie morale à l’université de Glasgow, il consacre dix années de sa vie à ce texte qui inspire les grands économistes suivants, ceux que Karl Marx appellera les « classiques » et qui poseront les grands principes du libéralisme économique.

La plupart des économistes considèrent Smith comme « le père de l’économie politique », pourtant certains, comme l’Autrichien Joseph Schumpeter, l’ont défini comme un auteur mineur car son œuvre ne comportait que peu d’idées originales.

Jeunesse

Adam Smith est né le 5 juin 1723 à Kirkcaldy, petite ville de 1500 habitants en Écosse. Dès sa naissance, Adam Smith est orphelin de père. Ce dernier était contrôleur des douanes, et meurt deux mois avant la naissance de son fils[1]. À l’âge de quatre ans, Adam Smith est kidnappé par des bohémiens, qui, prenant peur en voyant l’oncle du jeune garçon les poursuivre, l’abandonnent sur la route où il sera retrouvé[2][3].

Élève particulièrement doué dès son enfance, bien que distrait, Adam Smith part étudier à Glasgow à l’âge de quatorze ans et y reste de 1737 à 1740. Il y reçoit, entre autres, l’enseignement de Francis Hutcheson, le prédécesseur d’Adam Smith à la chaire de philosophie morale. Smith sera très influencé par Hutcheson[4][5]. Il part ensuite étudier à l’université d’Oxford, où l’enseignement est alors d’une qualité très médiocre, si bien que le jeune élève choisit lui-même ses lectures. Cette sélection personnelle lui vaut d’ailleurs d’être menacé d’expulsion de l’université lorsqu’on découvre dans sa chambre le Traité de la nature humaine du philosophe David Hume, lecture jugée inconvenante à l’époque[6].

Enseignement de la logique et de la morale


Choisissant une carrière universitaire, Smith obtient à l’âge de vingt-sept ans la chaire de logique à l’université de Glasgow et plus tard celle de philosophie morale. Cette institution est bien plus sérieuse que celle d’Oxford et le corps enseignant apprécie peu ce nouveau venu qui sourit pendant les services religieux et qui est de plus un ami déclaré de David Hume. Pourtant Smith devient relativement connu à Glasgow, où il participe à des cercles intellectuels, joue au whist le soir… Il est apprécié de ses étudiants : ses manières et son allure peu commune lui valent d’être imité, et on voit même de petits bustes de lui dans certaines librairies de la ville[7]. Ses fréquents hochements de tête et sa diction maladroite dérivaient d’une maladie nerveuse dont il souffrit tout au long de sa vie.[8]

Au-delà de son excentricité, la célébrité d’Adam Smith provient aussi de son travail et de la parution en 1759 de la Théorie des sentiments moraux, œuvre de philosophie qui le fait connaître en Grande-Bretagne et même en Europe. Dans ce livre, il essaie de comprendre comment l’individu, considéré comme égoïste, parvient à porter des jugements moraux qui font passer son intérêt personnel au second plan. Smith affirme que l’individu peut en fait se placer dans la position d’un tiers, d’un observateur impartial, qui peut donc s’affranchir de son égoïsme et fonder son jugement sur la sympathie. On discute vite des thèses de ce livre un peu partout, et plus particulièrement en Allemagne[9].

Adam Smith, alors qu’il était professeur de logique, a écrit d’autres ouvrages qui ne seront publiés qu’après sa mort. Un des plus connus est son Histoire de l’astronomie. L’histoire de l’astronomie à proprement parler ne représente qu’une petite partie de l’ouvrage, et s’arrête à Descartes, car en fait Smith s’intéresse davantage aux origines de la philosophie. Selon Smith, l’esprit prend plaisir à découvrir les ressemblances entre les objets et les observations, et c’est par ce procédé qu’il parvient à combiner des idées et à les classifier. Dans la succession des phénomènes constatés, l’esprit recherche des explications plausibles. Lorsque les sens constatent une succession qui rompt avec l’accoutumance de l’imagination, l’esprit est surpris, et c’est cette surprise qui l’excite et le pousse vers la recherche de nouvelles explications[10].

« La philosophie, en exposant les chaînes invisibles qui lient tous ces objets isolés, s’efforce de mettre l’ordre dans ce chaos d’apparences discordantes, d’apaiser le tumulte de l’imagination, et de lui rendre, en s’occupant des grandes révolutions de l’univers, ce calme et cette tranquillité qui lui plaisent et qui sont assortis à sa nature. »
Adam Smith, Histoire de l’Astronomie »
— [11]

Les convictions religieuses d’Adam Smith ne sont pas connues avec précision, et il est souvent considéré comme un déiste à l’image de Voltaire qu’il admirait. Ronald Coase a critiqué cette thèse et note que, bien que Smith fasse référence à un « grand architecte de l’univers », à la Nature, ou encore à la fameuse « main invisible », il ne parle que très rarement de Dieu, et surtout il explique que les merveilles de la nature attisent la curiosité des hommes, et que la superstition est la façon la plus immédiate de satisfaire cette curiosité, mais qu’à terme, elle laisse la place à des explications plus usuelles et donc plus satisfaisantes que celles de l’intervention des dieux[12].

Voyage en Europe

L’ouvrage de Smith est remarqué par Charles Townshend, homme politique important et chancelier de l’Échiquier de 1766 à sa mort un an plus tard[13]. Ce dernier avait épousé en 1754 lady Caroline Campbell, veuve de lord Dalkeith, duc de Buccleuch, avec lequel elle a déjà deux fils. Townshend cherche un tuteur pour le fils aîné de son épouse qui, comme tous les jeunes aristocrates anglais de l’époque, doit faire un Grand Tour, et propose à Smith d’accompagner celui-ci dans son périple[14].

Smith et son élève quittent la Grande-Bretagne pour la France en 1764. Ils restent dix-huit mois à Toulouse, ville dont la société lui semble ennuyeuse. Séjournant dans le sud de la France il rencontre et enthousiasme Voltaire, ainsi qu’une marquise dont il doit repousser les avances. Pendant ce long séjour dans une Province qui l’ennuie, Smith entame la rédaction d’un traité d’économie, sujet sur lequel il avait été amené à dispenser des cours à Glasgow. Après être passés par Genève, Smith et son élève arrivent à Paris. C’est là qu’il rencontre l’économiste le plus important de l’époque, le médecin de Madame de Pompadour, François Quesnay. Quesnay avait fondé une école de pensée économique, la physiocratie, en rupture avec les idées mercantilistes du temps. Les physiocrates prônent que l’économie doit être régie par un ordre naturel : par le laissez-faire et le laissez-passer. Ils affirment que la richesse ne vient pas des métaux précieux, mais toujours du seul travail de la terre et que cette richesse extraite des sols circule ensuite parmi différentes classes stériles (les commerçants, les nobles, les industriels). Adam Smith est intéressé par les idées libérales des physiocrates, mais ne comprend pas le culte qu’ils vouent à l’agriculture. Ayant vécu à Glasgow, il a conscience de l’importance économique de l’industrie[15].

Rédaction de la Richesse des nations et retraite


En 1766, le voyage de Smith et de son protégé s’achève, le frère de ce dernier ayant été assassiné dans les rues de Paris. Smith rentre à Londres, puis à Kirkcaldy où il se consacre à son traité d’économie politique. Il ne se rend que rarement à Londres pour participer aux débats de son temps. Il y rencontre Benjamin Franklin dont l’influence lui fera dire que les colonies américaines sont une nation qui « deviendra très probablement la plus grande et la plus formidable qui soit jamais au monde.[16] »

Dix ans après son retour à Kirkcaldy, Adam Smith publie enfin son traité d’économie qu’il intitule Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (An Inquiry into the nature and the causes of the wealth of nations), titre souvent abrégé en Richesse des nations.

En 1778, Smith devient commissaire aux douanes à Édimbourg, ce qui lui assure une retraite confortable. Il passe les douze dernières années de sa vie en célibataire, vivant avec sa mère (jusqu’à la mort de celle-ci à quatre-vingt-dix ans).

À la fin de sa vie, il devient recteur de l’université de Glasgow, et voit son œuvre traduite en français, allemand, danois, italien et espagnol. Le premier ministre Pitt le Jeune lui déclare même un jour : « Nous sommes tous vos élèves. »

Smith meurt le 17 juillet 1790 à l’âge de soixante-sept ans, dans une relative indifférence vu les troubles révolutionnaires qui agitent alors la France et menacent la campagne anglaise. Il est enterré simplement à Canongate, on peut lire sur la pierre tombale : « Ci-gît Adam Smith, auteur de la Richesse des nations »[17].

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